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CB News : pas de chance au grattage

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Dans la vie, comme au jeu, c’est souvent une question de chance. Mais comment faire quand on tombe sur le mauvais numéro ?

Mes amis les publicitaires, au moins ceux qui m’aiment bien, sont en pétard après avoir ouvert CB News. Ils m’appellent ou ils m’écrivent en la traitant indifféremment de chipie, peste ou harpie. « Elle prend un malin plaisir à descendre ton idée en faisant une confusion qui frôle la désinformation… »Elle flingue le JSP en le classifiant d’utopique, au risque d’effrayer les annonceurs… »Elle pose les problèmes de fonds de façon ambiguë et torpille le JSP avec une férocité gratuite… »Elle « fusille » ton idée puisque quand on attaque on paraît plus intelligent que quand approuve

Aujourd’hui « Elle » a les oreilles qui sifflent. « Elle » rentre chez moi essoufflée en râlant contre les 4 étages sans ascenseur. Dès que nos regards se croisent, je sens que le courant ne passe pas. Ses yeux lancent des étincelles qui me font craindre un court-circuit. Le stress résonne dans sa voix pendant qu’elle me dit qu’elle doit rendre son papier demain, en même temps que d’autres, que ses délais sont trop « shorts », qu’elle court partout. Bref, elle est au bord de la crise de nerfs ! Puis elle rajoute, sur un ton réprobateur, qu’elle a eu du mal à trouver mon bouquin. Eh ! Oh ! On se calme, pas la peine de m’engueuler. Comme si j’y étais pour quelque chose ! Plus de 650 livres sortent à chaque rentrée littéraire, il faut faire place aux suivants. Ce n’est pas ma faute non plus si elle est une nomade du feuillet, rémunérée à la page et si elle vit la dure réalité du métier de pigiste.

Mais Elle, c’est qui ? Caroline de Bodinat, pigiste de talent, chargée par Christian Blachas de faire mon portrait.

 

Mon ami, qui a été journaliste dans une vie précédente, m’avait bien expliqué qu’un portrait sert à présenter aux lecteurs un individu dans sa particularité avec son tempérament, ses choix et ses motivations en prenant en compte des éléments personnels et humains. Mais qu’il existe aussi le portrait “règlement de compte” où, l’air de rien, on peut souligner les défauts, ajouter le détail qui tue, sortir une phrase de son contexte ou choisir un mauvais angle. Mais c‘est rare. L’assassinat n’est pas un genre journalistique.

Et c’est bel et bien un lynchage qui se prépare et, manque de pot, ça tombe mal. La grippe qui me guette depuis quelques jours s’est déclenchée. Je suis ramollo, claquée, flagada, pas dans mon assiette. Apparemment, elle non plus.

On s’assied, elle sort un bloc-notes. L’interview peut démarrer. Oui, je suis née en Italie, ma mère était femme au foyer, mon père magistrat. Un frère et une sœur qui vivent à Milan… La petite fille à l’enfance lumineuse n’a aucun d’intérêt. Mieux vaut fuyer dans les ombres de l’adolescence. Je voulais être danseuse, peintre, écrivain, styliste de mode, scénariste… des métiers fantaisistes, bohèmes, marginaux pour mon père. Donc, Normale Sup, dans la bonne tradition familiale, entre deux rebellions et quelques violents affrontements. Vous lui avez obéi ? Oui et non. En parallèle, je prenais des cours de stylisme, de dessin et je faisais partie d’une troupe de la danse, en cachette. J’écrivais des nouvelles, puis mon premier bouquin, un recueil de poèmes… Je continue à répondre à ses questions avec franchise, en me plongeant au cœur de ma mémoire, comme Thierry me l’a recommandé. Il suffirait que je m’allonge sur le divan, pour me croire chez le psy. Et comment mon père a pris le fait que je devienne footballeuse dans une équipe professionnelle ? Il en était fier, il gardait les coupures de journaux et il est même venu me voir jouer au « stadio ». Les Italiens sont tous des « tifosi »…

Son ton déplaisant me donne l’impression qu’elle cherche un passé mal digéré pour déterminer une névrose enfantine ou une blessure narcissique qui entrave mon épanouissement, mes relations sexuelles, la vie professionnelle. Et qui me pousse à me battre contre les règles établies et aller à contre-courant. Malheureusement pour elle, je n’ai aucun trouble psychique ou mental évident. Les rébellions de l’adolescence font partie de la crise éphémère de l’âge et la puissance de l’image paternelle n’a pas bloqué ma vie amoureuse. Je la rassure, je suis mariée, j’ai un enfant et ma vie perso se porte très bien, merci. J’aurais mieux fait d’inventer un complexe d’Œdipe pas résolu. Mon bonheur a l’air de l’agacer davantage. Elle creuse pour essayer d’en discerner les failles.

Enfin, elle change de sujet, mais son ton reste offensif. Pourquoi la pub ? Pourquoi la France ? Pourquoi quitter une place de directeur de création pour recommencer à zéro ailleurs ? La réponse est la même pour chaque sujet : par passion ou par amour. Au bout d’un bon moment, nous quittons la sphère personnelle pour passer à la professionnelle. Je me sens déjà plus à mon aise.

Ma carrière professionnelle, ici et ailleurs ? Comment une Italienne peut écrire dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle ? Quelle a été ma carrière dans le Groupe EuroRSCG ? Et pourquoi ouvrir une agence ? Pourquoi la fermer, cinq ans après ? Pourquoi choisir d’être free-lance ? Quelle est la campagne que je préfère ? Je réponds sagement à chaque question, en donnant le maximum de détails. Un éclair illumine ses yeux quand je lui parle de ma rencontre avec Fellini, de mon tournage avec l’un des frères Taviani. Et elle esquisse presque un sourire quand je lui fais part d’une petite anecdote sur Philippe Michel.

On passe à mon livre, Pubelle. Elle a fini par le trouver, à la dernière minute, et a dû le lire d’un trait, avant notre RV, il le fallait bien ! Heureusement qu’il se lit vite. Pourquoi un livre sur les coulisses de la pub ? Fantaisie ou autobiographie? Savana, c’est moi ? Qui est Untel ? Et Machin Chouette ? Elle l’a vraiment lu et le connaît parfaitement. Puis elle repart sur une nouvelle série de questions : ma musique préférée ? Quel opéra, quel groupe rock ? Mon livre de chevet ? Les loisirs ? Le cinéma ? Quel est mon avis sur le dernier film de… ? Etc, etc.

Son ton est toujours agressif. Je meurs d’envie d’aller me coucher. La grippe ou la fille qui m’a pris en grippe ? Et au moment où je crois que c’est terminé, la voilà venir au Jour sans Pub. Quand ? Comment ? Quels sont les Annonceurs que j’ai contactés ? Et les médias ? Non, je ne veux pas encore en parler. J’ai discuté  du projet avec Christian Blachas. De manière confidentielle, bien sûr. Pour qu’il me conseille, comme il a fait pour Pubelle. Admirablement, je dois l’avouer. Le JSP est en phase de construction et l’opération se précise au fur et à mesure que nous avançons. Nous devons encore prendre beaucoup de contacts avant de définir nos choix. C’est tout à fait prématuré. Oui, bien sûr, vous pouvez l’introduire, juste l’introduire, pas en parler, ça pourrait le tuer dans l’œuf.

Ouf, c’est fini. Enfin, presque. Eric Legouny, le photographe de CB News m’appelle pour la photo. Je n’aime pas l’objectif, je me raidis et j’ai un air coincé. En plus je suis grippée. Pas du tout découragé par mes arguments, par mes yeux gonflés et par mon nez rouge, Eric flashe en mitraillette dans chaque coin de mon appartement. Il est adorable, gentil, patient, sympathique et très pro. Et aujourd’hui ma photo sur pied trône sur une pleine page de CB News, juste à côté de la cheminée. Vu l’état pitoyable du modèle original, le photographe s’en est bien sorti.

Je commence à lire. Je fais un premier bond devant le titre « Elle veut organiser une journée sans pub ». J’ai un deuxième sursaut en voyant le mot « UTOPIE », en capitales et en rouge. Je souris devant « Babette s’en va-t-en-guerre », le vieux navet de Brigitte Bardot. Bien documentée, bravo ! « Elle » commence en douceur, poursuit en crescendo et finit par m’achever.

C’est un portrait au vitriol, mais, je dois l’avouer, son écriture est brillantissime et je m’incline devant sa maestria. Caroline de Bodinat  fait papillonner les mots avec une virtuosité aérienne, sa plume est fluide et coulante, son style piquant.

Au nom de son grand talent, je lui pardonne de m’avoir taillé un super costard. Et de me faire passer par une soixante-huitarde attardée. Ou pour une gourde qui ne sait pas que les médias ont un prix. Allez, je ne lui en veux pas non plus d’avoir changé de petits détails. C’est vrai, j’ai bien prononcé le mot « complicité », mais entre consommateur et Annonceur et pas entre moi et l’Annonceur. Et « rigolo », ça ne fait pas partie de mes mots. Je lui pardonne aussi d’avoir parlé prématurément du Jour Sans Pub. Le fait d’en parler, finalement, lui donne une existence. C’était peut-être la condition « sine qua non » pour qu’on paye son feuillet… Je peux tout excuser, tout comprendre, mais, je dois l’avouer, Végas, ça j’ai du mal à le digérer.

Oui, car elle m’a demandé quelle est ma bonne étoile. J’aurais pu répondre l’étoile d’Euro RSCG, réponse politique de toute bonne publicitaire. J’ai répondu « Végas », l’étoile du « Triangle d’été » dans la constellation de la Lyre. Vous voyez, la plus brillante, celle qu’on peut voir au crépuscule quand le ciel s’assombrit. Parce que c’est au moment où le soleil décline, qu’elle répand sa lumière qui va vous guider. C’est vraiment nul de transformer une étoile étincelante en prosaïque ticket à gratter !

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